De toutes les fois où son départ avait été pressenti, l’actuel Premier ministre n’aura jamais été si proche du terme de son bail avec les militaires. En réussissant le miracle de déjouer cette fois encore les pronostics, il aura détruit le mythe de la redoutable terreur que le pouvoir actuel inspire aux acteurs politiques et au moyen de laquelle il jouit d’un traitement confortable sur la scène politique.
Partira, partira pas ? La tragédie reste entière et n’a évolué du moindre cran vers un dénouement, depuis une dizaine de jours environ que le suspense perdure sur fond de folles supputations et d’annonces rocambolesques. Au demeurant, le suspense en a même perdu de sa teneur dramatique et est en passe de se conclure comme les fois précédentes où l’imminence d’une fin de l’ère Choguel Maïga avait hanté les opinions. C’était le cas avec la gifle infligée à la dignité primatoriale, lors du vote de la loi électorale qu’on croyait assez flétrissante pour entraîner une rupture définitive de contrat entre l’actuel PM entre le pouvoir des colonels. Il y eut ensuite cette désertion prolongée de la Primature imputable à un long alitement et assimilable à une vacance du poste au bout de laquelle le maintien de l’actuel PM ne s’est probablement imposé que par décence voire par pudeur régalienne.
Ses épreuves physiques seront ensuite amplifiées par un affaiblissement politique causé par l’accumulation des malaises et clivages au sein de l’aile politique du putsch. Il en découle une dépréciation manifeste de la légitimité d’un président du M5 contesté au dedans de son ensemble politique pour son clanisme et rejeté en dehors pour son caractère clivant. Par-delà l’effritement des rangs, en dit long la persistance de courants inconciliables sur fond d’échanges d’invectives visiblement cautionnée et peut-être même entretenue par les pouvoirs. Assez indicatif, selon toute évidence, sinon d’un lâchage, de l’indifférence de ceux-ci à la notoriété du Premier ministre. Assez de signaux aussi dans ce sens pour inspirer aux soutiens de ce dernier des réactions qui achèvent de mettre en lumière le degré de cristallisation du malaise au sommet de la Transition. Aux indignations et dénonciations de son ostracisme auprès de l’opinion – par sa tendance du M5 – se mêlent les intimidations et tirs croisés d’activistes de même obédience à l’encontre du pouvoir suprême, etc. Au lieu d’en crever l’abcès, les employeurs de Choguel Maïga ont visiblement opté pour la stratégie de l’usure par la pression et le harcèlement moral. Elle a consisté, en un premier temps, à une conduite des politiques par-dessus la tête du PM avant de franchir le stade de la razzia dans ses plate-bandes les plus infranchissables avec l’arrestation de proches collaborateurs sous ses pieds. Quant à la personne de Choguel Maìga, elle restera une forteresse inexpugnable aussi longtemps que le même modus operandi prévaudra dans le processus de son éviction. Le PM en a annoncé les couleurs, la semaine dernière, au détour d’une rencontre probablement suscitée avec une délégation du MPR, son parti. Il en a notamment profité pour rassurer de son intention de résister à toute tentation de jeter l’éponge de sa propre initiative, sans daigner nier, par ailleurs, les humiliations subies ces derniers temps dans l’accomplissement de ses missions : injures proférées à son endroit par des personnalités politiques avec la caution d’un membre du gouvernement, arrestation ou enlèvement de ses collaborateurs les plus proches, etc. Pas de quoi affecter outre mesure ses rapports avec le président de la Transition, qu’il évoque en présentant les malaises comme accessoires par rapport aux défis essentiels dont il est porteur. Or les profondeurs de ce malaise – ainsi que de la crise de confiance qu’il implique – rendent la rupture latente et toute collaboration future devient improductive à défaut d’être impossible. En résistant aux bourrasques de cette évidence, le Pm Choguel Maìga n’aura pas seulement réussi l’exploit de sauver sa tête et de s’imposer contre le gré de ses employeurs, il aura eu également le mérite d’être l’unique forteresse à laquelle se sera heurtée l’irrésistible terreur qu’impose les militaires aux acteurs politiques. Il le doit vraisemblablement à son habileté et au flair de savoir exploiter une certaine brèche apparente dans la cohésion des colonels au pouvoir.