Mali : Épilepsie : Les patients stigmatisés

L’épilepsie dans les pays en développement en général et au Mali en particulier, représente un problème majeur de santé publique. Dans ce contexte, l’un des sujets les plus controversés et les plus étudiés dans le domaine de l’épileptologie (la discipline médicale qui étudie l’épilepsie) est la dimension sociale de la maladie. Dans notre pays, les considérations sociales ont un impact réel sur la prise en charge individuelle et collective des patients épileptiques.

Partout dans le monde, et plus particulièrement au Mali, les personnes épileptiques et leurs familles sont victimes de stigmatisation et de discrimination.

Elles vivent souvent des situations très difficiles en matière d’éducation comme c’est le cas d’Aïssata. Cette mère est au chevet de son fils au service de neurologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) Point G. «Mon fils souffre à l’école puisque les autres s’éloignent de lui et ont peur de ses crises». Elle même en souffre pour son rejeton.

Aïssata et son enfant sont loin d’être les seules personnes confrontées au regard presque stigmatisant de la société à cause de cette pathologie. Sory Diarra a rencontré beaucoup de difficultés dans son couple. «J’ai eu des problèmes concernant mon mariage, ma belle-famille croyait à une maladie contagieuse ou à un problème mystique. Sur moi stigmatisait», nous confie-t-il. À savoir que nombreux sont les mythes et idées reçues sur le sujet, car la maladie a des manifestations spectaculaires.

Aïcha, mère de famille, pense que c’est même un problème mystique qu’il faut traiter comme tel. Cette maladie, selon elle, est trop dangereuse pour être traitée à l’hôpital. Comme elle, de nombreux compatriotes ont une mauvaise perception de la maladie. Les différences de perception et le manque de communication peuvent nuire directement à la prise en charge globale du patient. Pour bon nombre de nos compatriotes, la médecine traditionnelle semble mieux indiquée que la médecine conventionnelle pour la prise en charge des épileptiques. Même si cette prise en charge assurée par les tradithérapeutes, elle semble constituer une charge psychologique pour le patient.

Mariam, mère d’un enfant épileptique et adepte de la médecine traditionnelle, partage son expérience en la matière. «Convaincue que la médecine traditionnelle détenait les réponses, j’ai consulté un tradithérapeute local. Malheureusement, les remèdes prescrits n’ont apporté qu’un soulagement temporaire. Mon fils continue d’être ostracisé à l’école. Et la stigmatisation persiste. Malgré cela, je reste attaché à la médecine traditionnelle, espérant qu’elle révélera un jour son efficacité», témoigne-t-elle.

Contrairement à elle, Ousmane fait confiance à la médecine moderne. Elle raconte : « Mon fils suit un traitement prescrit par un neurologue. Nous avons constaté une différence significative. Cependant, la société ne comprend pas toujours. Certains membres de ma famille ont remis en question cette approche, préférant la médecine traditionnelle. Malgré les défis, nous restons convaincus que l’éducation et la sensibilisation peuvent changer les mentalités.»

Pour le médecin en spécialisation en neurologie médicale, Dr Cheickna Sangaré, «l’épilepsie n’a rien de surnaturel, le problème est cérébral, c’est une maladie chronique caractérisée par la répétition des crises d’épilepsie». Le Dr Cheickna Sangaré explique que l’épilepsie est une maladie qui a des conséquences neurologiques, cognitives, psychologiques et psycho-sociales.

Il indique qu’elle survient fréquemment avant 10-15 ans ou après 65 ans. Généralement, précise-t-il, pendant l’enfance, car les neurones de l’enfant sont immatures. Près de 80% des personnes atteintes d’épilepsie vivent dans les pays en développement, affirme le médecin. Dans notre pays, regret-t-il, les statistiques manquent par rapport au nombre de nos personnes souffrant de cette pathologie. Mais, déclare-t-il, des études sont en cours pour y apporter des précisions.

Selon la Ligue internationale de lutte contre l’épilepsie, cite le Dr Cheickna Sangaré, cette maladie à plusieurs causes dont les plus fréquentes sont les causes infectieuses. Selon le praticien, ce sera d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la maladie est fréquente dans notre zone « car nous n’avons pas encore fini avec certaines causes infectieuses comme le paludisme ». Il y a plusieurs types de crises épileptiques, mais le plus connu est la crise tonico-clonique généralisée dont les manifestations cliniques sont spectaculaires et assez remarquables, explique-t-il.

« C’est quand le patient commence à convulser, il salive anormalement, ses yeux révulsent et il peut perdre l’urine, après il perd connaissance pour un petit moment. Ce sont ces manifestations qui poussent la population à croire aux causes mystiques», constate le Dr Sangaré, ajoutant que l’épileptique sous traitement évolue bien dans 80% des Cas. Et d’assurer que certains patients ou compagnons rapportent que depuis l’instauration du traitement il n’y a plus eu de crises ou qu’il y a une diminution significative de la fréquence des crises.

Dans le contexte où la stigmatisation persiste, indique le Dr Cheickna Sangaré, des experts médicaux locaux s’unissent pour éduquer la communauté sur la réalité de l’épilepsie déconstruisant les idées fausses et encourageant l’inclusion, ajoute le médecin en spécialisation.

Pour convaincre ceux qui sont superstitieux face à cette maladie, relève-t-il, plusieurs combats sont menés notamment la réalisation des émissions radio et télé pour sensibiliser et expliquer à la population que la maladie au lieu d’être mystique est cérébrale. «Des fois on montre même la preuve aux parents à travers les résultats d’Électro encéphalogramme (EEG), (examen qui confirme l’épilepsie), ou des lésions sur l’imagerie engendrant les crises. Mais je pense qu’il est essentiel d’aller vers les zones rurales», propose le futur neurologue.

En d’avancées médicales, de nouveaux termes traitements contribuent à changer la donne pour les personnes vivantes avec l’épilepsie à Bamako. «Il y a eu de nouveaux médicaments antiépileptiques qui entraînent moins d’effets secondaires. Mais qui sont malheureusement très chers. La majorité de nos compatriotes ne peut s’en procurer. On peut aussi procéder par intervention chirurgicale», explique le Dr Cheickna Sangaré.

La lutte contre les mythes entourant l’épilepsie n’est pas seulement une question médicale, mais une quête pour une société plus inclusive. Alors que les médecins et autres acteurs s’efforcent de démystifier cette condition, l’espoir grandit pour un avenir où l’épilepsie ne sera plus entourée de préjugés, mais de compréhension et de soutien.

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