Changement climatique : l’Afrique est mal partie !

Selon le rapport 2022 de l’état du climat du continent africain que vient de publier l’OMM (Organisation mondiale de la météorologie), l’Afrique pâtit du changement climatique de manière disproportionnée. Une situation peu reluisante qui entraine la chute de la production agricole et notamment l’insécurité alimentaire. 

Le rapport, présenté au cours de l’Africa Climate Summit (Sommet africain sur le climat) qui s’est tenu à Nairobi au Kenya du 4 au 6 septembre 2023, a été conçu par les soins de l’OMM en partenariat avec la Commission de l’Union africaine et le Centre africain pour la politique en matière de climat (organisme relevant de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique).

Le Sommet africain sur le climat est le plus grand rassemblement de chefs d’État, de ministres, d’agences des Nations Unies, de partenaires humanitaires et de développement, du secteur privé et de jeunes Africains dans l’histoire du continent. Cela représente une opportunité sans précédent de faire face aux impacts croissants du changement climatique ; et cette opportunité a été bien saisie par l’OMM pour édifier les Africains sur l’état climatique du continent.

Cette situation nuit à la sécurité alimentaire, aux écosystèmes et à l’économie

C’est un secret de polichinelle, les pays africains sont parmi les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, subissant les conséquences désastreuses de la crise climatique, notamment la sécheresse, les inondations, les températures extrêmes, et pourtant l’Afrique n’est responsable que d’une fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais elle pâtit de manière disproportionnée du changement climatique. Selon le rapport de l’OMM, « cette situation nuit à la sécurité alimentaire, aux écosystèmes et à l’économie, elle alimente les déplacements et les migrations et elle aggrave la menace de conflits provoqués par la raréfaction des ressources. » Le document souligne que « l’État du climat en Afrique 2022 montre que le rythme de la hausse des températures en Afrique s’est accéléré au cours des dernières décennies et que les risques liés au temps et au climat sont de plus en plus graves. En revanche, le financement de l’adaptation au changement climatique ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce dont a besoin le continent. En 2022, les aléas météorologiques, climatiques et hydrologiques ont touché directement plus de 110 millions de personnes sur le continent et provoqué des dommages économiques chiffrés à plus de 8,5 milliards de dollars É.-U. La base de données sur les situations d’urgence fait état de 5 000 décès signalés, 48 % par suite de la sécheresse et 43 % d’inondations ».

Par ailleurs, il n’est pas inutile de relever toutefois que le nombre réel de victimes est probablement beaucoup plus élevé en raison du phénomène de sous-déclaration. C’est que corrobore à juste titre Petteri Taalas, le Secrétaire général de l’OMM, qui estime que « les observations météorologiques sont très lacunaires en Afrique et les services d’alerte précoce sont terriblement insuffisants. » Cependant il avoue avec beaucoup d’optimisme : « Nous sommes bien déterminés à combler ces lacunes et à faire en sorte que tout le monde puisse recevoir des alertes précoces salvatrices »

Chute de la croissance de la productivité agricole de 34% depuis 1961

L’agriculture, activité qui fait nourrir la plupart des populations du continent, et qui est à la base des moyens de subsistance et des économies nationales en Afrique (faisant vivre plus de 55 % de la population active), souffre largement de ces conditions météorologiques néfastes. La crise ukrainienne au cours de laquelle on voit la large dépendance de l’Afrique au blé venu de l’Europe de l’est est là pour nous montrer la triste réalité. Josefa Leonel Correia Sacko, Commissaire chargée de l’agriculture, du développement rural, de l’économie bleue et de l’environnement durable à la Commission de l’Union africaine, s’alarme dans son rapport publié en marge du sommet : « Étant donné le degré élevé d’exposition de l’Afrique, sa fragilité et sa faible capacité d’adaptation, on peut s’attendre à ce qu’elle subisse de plein fouet les effets du changement climatique. La santé des populations, la paix, la prospérité, les infrastructures et les autres activités économiques dans de nombreux secteurs en Afrique courent des risques considérables en raison du changement climatique. Mais à cause du changement climatique, la croissance de sa productivité agricole a chuté de 34 % depuis 1961. Cette baisse est la plus élevée enregistrée par comparaison à ce qu’ont connu d’autres régions du monde. Les projections prévoient que, d’ici 2025, les pays africains multiplieront par trois leurs importations annuelles de denrées alimentaires qui passeront de 35 milliards de dollars É.-U. à 110 milliards de dollars »

Sur le plan économique, le niveau des pertes et des dommages, et donc les coûts encourus, seront fonction de nombreux facteurs, notamment du niveau d’ambition des mesures d’atténuation sur le plan mondial et de la hauteur des investissements dans l’adaptation à l’échelle locale. Dans un monde où le réchauffement serait de 4 °C avec une adaptation régionale forte, l’Afrique pourrait encourir, chaque année d’ici à 2080, des coûts dus aux dommages résiduels équivalant à 3 % de son produit intérieur brut projeté. Les coûts des pertes et dommages dus au changement climatique en Afrique sont estimés entre 290 et 440 milliards de dollars sur la période 2020-2030 d’après le Centre africain pour la politique en matière de climat de la Commission économique pour l’Afrique. A noter que le changement climatique et la raréfaction des bases de ressources pourraient alimenter les conflits pour obtenir les rares terres productives, l’eau et les pâturages, là où la violence entre agriculteurs et éleveurs s’est intensifiée ces dix dernières années à cause de la pression croissante exercée sur les terres, avec, dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, des îlots géographiques où se concentrent de telles zones.

La BAD double son financement au service du climat

Dans cet enchevêtrement de mauvaises nouvelles, La BAD (Banque africaine de développement) a annoncé le doublement de son financement au service du climat, pour atteindre 25 milliards de dollars d’ici 2025, et consacre 67 % de ce financement à l’adaptation, en plus de s’employer à lever quelques 13 milliards de dollars en faveur de son Fonds de développement pour l’Afrique.

En attendant la COP 28 qui se tiendra à Dubaï en novembre prochain, l’Africa Climate Summit a accouché d’une Déclaration qui « appelle notamment à la mise en place d’une large taxation mondiale du carbone, parmi les sources de financement nécessaires à la transition»  Il reste à espérer que les dirigeants du  G20 qui se réunissent ce weekend en Inde puissent entendre le cri du Secrétaire général de l’ONU qui leur demandait  d’assumer leurs responsabilités dans la lutte contre le changement climatique. Antonio Guterres ne manquant pas d’affirmer notamment : « Les énergies renouvelables pourraient être le miracle africain. Nous devons travailler ensemble pour que l’Afrique devienne une superpuissance des énergies renouvelables».

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